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La croisière de BEING HAPPY! de Jean-François LEPETIT
6 novembre 2011

Mouillage de DAKHLA

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Nous quittons DAKHLA sans regret.

L’endroit est une vaste baie, très large, profondément enfoncée dans les terres parallèlement à la côte, bordée vers le large par une langue de terre étroite sur laquelle est construite la ville. Ville toute neuve destinée à marquer un  territoire marocain récemment annexé, peuplé de nombreux militaires et fonctionnaires. A l’est, c’est le désert saharien, des roches et du sable, des plateaux de pierre brune posés sur des pyramides de sable clair. C’est le désert à l’état pur, sauvage, qui, de place en place s’ouvre sur une mer bleue et sans relief, découvre une plage abandonnée, bordée d’une pointe de roches noires. C’est une nature sévère, hostile dans sa nudité de paysage sans vie et sans relief.

Vaste baie orientée Nord Est- Sud Est, dans le sens des vents dominants, un couloir ou s’accélère le vent du large qui dévale le long de  la côte d’Afrique. Au point que le fond Nord de la baie est devenu un site mondialement connu pour le Kite Surf et la Planche à voile.  De nombreuses tentes et des caravanes abritent les surfeurs qui viennent de partout. Les voiles parachutes  multicolores traversent la baie et se croisent en pleine vitesse.

Le mouillage du Rallye se situe devant un hôtel récemment construit  à une dizaine de milles de l’entrée de la baie, devant la ville, entre deux jetées qui abritent  sommairement le port commercial pour l’une et le port militaire pour l’autre. Très peu de fond  près de la côte, à peine suffisant  pour les catamarans,  et les quillards doivent mouiller à plus d’un demi-mille de la côte sur cinq mètres  de fond de sable. Un fort courant accompagne la marée. Pour entrer dans la baie, ce que nous faisons de nuit, un passage très étroit bien balisé constitue un petit raz par vent fort.

Le vent des surfeurs s’en donne à cœur joie sur le mouillage, qu’il prend en enfilade en s’accélérant dans la baie. A part deux jours de calme, l’Alizé a soufflé ses traditionnels 20-25 nœuds  le reste du temps. Avec un fetch d’une vingtaine de milles  il pousse en avant une mer hachée, couronnée de petites vagues qui brisent, renforcées par les courants contraires. Il bouscule et arrose les annexes, quand il ne les renverse pas, et secoue les voiliers à l’ancre. Le paradis des uns est un enfer pour les autres.

Sur un voilier en route, le marin garde un marge de manœuvre face aux conditions de la mer : le vent monte, il prend un ris ; face aux vagues, il modifie son cap. Au mouillage, c’est la mer et le vent qui sont les maîtres, le marin est passif, vulnérable, inquiet. Il est souvent impossible de lever l’ancre, faute de visibilité ou de fond.   Sur sa couchette, le marin entend le grondement sourd du vent qui monte et baisse d’un ton, comme une basse continue dans un concert qui se joue autour du voilier. Le bateau semble avancer dans la nuit noire et bruyante, soulevant son étrave à la vague, puis plonge tiré par sa chaine, levant la poupe qui s’effondre ensuite sur la vague qui passe. Le bateau se secoue, piaffe, s’ébroue dans les embruns. Et toujours c e balancement avant arrière, tangage qui bat la mesure des bruits et des sensations de ce théâtre vivant. Jamais de répit, au contraire des craintes en entendant le vent monter sa plainte et relancer la cadence du mouvement de bascule d’une nouvelle série de vagues. On est étreint par l’angoisse du dérapage de l’ancre, au risque de s’échouer sur les hauts fonds. A Dakhla, l’ancre de BEING HAPPY ! ne dérape pas, mais le vent tourne au point de nous faire échouer sur le haut fond voisin. L’émotion de sentir le bateau heurter le sable dans un mouvement si peu naturel  qu’il nous fait sursauter : échoué !  Trois heures sans bouger, les quarante tonnes s’enfoncent dans le sable, maintenant le pont à l’horizontale. En bonne compagnie de quatre autres voiliers. Dans la nuit noire.

L’aventure c’est l’aventure diront certains pour justifier ces nuits au mouillage à Dakhla.

La réalité pour moi, c’est qu’il en est de la mer comme des marchés. Ce sont deux espaces de risques. Ces risques sont graves, mortels peut-être. Il faut pourtant  traverser ces espaces pour réussir. Le bon Marin, comme l’Homme de marchés, identifie les risques, les mesure, et prend toutes les dispositions pour éviter les plus importants, les plus inutiles. L’idiot du village est celui  qui prend le risque en aveugle, le joueur qui compte sur la chance, le spéculateur. A la longue, il ne survit pas.

Alors ce mouillage à Dakhla ? A mes yeux une erreur de parcours sur un trajet qui offrait toutes les ressources des Canaries. Des nuits passées dans le tambour d’une machine à laver, comme disait l’un d’entre nous, n’ont  pas de valeur ajoutée.

Oublions Dakhla.

BEING HAPPY ! en route pour Dakar.

Le 28 octobre

 

 

 

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